Un braconnage impossible : le courant de conscience de William James et la durée réelle de Bergson

In Stéphane Madelrieux (ed.), Bergson et James, cent ans après. Paris: Puf. pp. 27-56 (2011)
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Abstract

James a maintes fois célébré les rencontres philosophiques et l’on sait les efforts de James et de Bergson pour se voir, lors des passages de James en Europe. Proximité physique ne signifie évidemment pas convergence ni capillarité philosophiques, comme l’apprend à ses dépens Agathon dans le Banquet de Platon. Or, le rapprochement, mais aussi les confusions, entre la philosophie de Bergson et celle de James, voire entre « bergsonisme » et « pragmatisme », restent un passage obligé de l’étude des deux hommes. Si cette confusion — peut-être ces familles de confusions — sont caractéristiques du début du XXe siècle , il serait sans doute illusoire de croire que nous en sommes sortis aujourd’hui. C’est en France une expérience encore très répandue chez le jamesien que devoir se justifier par rapport au « bergsonisme », et c’en est une autre pour le « bergsonien » que de devoir dire qu’il n’est pas forcément « pragmatiste ». Ces glissements ont déjà été maintes fois analysés et je tiendrai ici pour acquis que Horace Kallen , Floris Delattre , Ralph Barton Perry et Millic Capek , qui ont procédé à la revue de détail, nous ont donné suffisamment d’éléments pour qu’il ne soit pas nécessaire de reprendre le dossier dans son ensemble. Le propos sera plutôt de décomposer un travers de lecture que l’on inflige généralement aux deux auteurs à partir d’un terrain plus limité : le thème du « courant », ou flux (stream), de conscience, thème prétendument commun aux deux hommes. Je vais pour cela tenter d’identifier, dans la première section, deux grandes manières d’aborder le rapport entre les deux hommes qui ont conduit à méconnaître leur apport propre. L’une interdit tout simplement de les lire comme philosophes, même si elle est couramment pratiquée, ce que j’illustrerai à la lumière de deux exemples. L’autre type de lecture engage, lui, un contresens sur la thèse même de James, et c’est ici que la face critique de ce chapitre se retourne en argument positif. Le cœur de ce contresens est de croire que James aurait introduit le thème du courant de pensée ou de conscience, et que ce serait là son originalité. Or, comme il est normal chez un auteur pragmatiste après tout, l’originalité réside dans l’usage qui est fait de ce thème. En examinant dans la deuxième section les rouages de ce contresens, dont il n’est pas certain que tous les lecteurs de Bergson l’aient totalement évité alors même qu’ils pensaient le déposer, on tentera donc de préciser tout d’abord en quoi le thème lui-même n’est pas spécifiquement jamesien, ensuite en quoi le propos de James n’est pas tant de décrire ce flux pour lui-même que de nous expliquer ce qui nous guette si nous le négligeons systématiquement, enfin quelles sont les fonctions remplies par les passages sur le courant de conscience dans l’argument de James.

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Mathias Girel
École Normale Supérieure

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2016-02-21

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