In Ophélie Desmons, Stéphane Lemaire & Patrick Turmel (eds.),
Manuel de Métaéthique. Paris, France: Hermann. pp. 271-306 (
2019)
Copy
BIBTEX
Abstract
On entend par survenance moral la thèse selon laquelle, nécessairement, si deux entités sont parfaitement similaires en ce qui concerne toutes leurs propriétés non-morales, elles sont parfaitement similaires en ce qui concerne leurs propriétés morales. En dépit de son apparente simplicité, cette définition pose de nombreux problèmes. Ainsi, alors que la survenance morale est souvent présentée comme l’une des rares thèses faisant consensus en philosophie, il s’avère à y regarder de près que son interprétation varie grandement selon les philosophes. Trois questions, en particulier, demandent à être éclaircies, sur lesquelles nous nous concentrerons ici :
1. On fait souvent appel à la survenance dans le but d’expliquer les propriétés morales. Mais à strictement parler, la survenance ne revêt par elle-même aucun caractère explicatif : quelle relation la survenance morale entretient-elle avec la relation de fondation ou d’explication morale ?
2. On tient la survenance morale pour une thèse consensuelle, mais on s’accorde peu sur la base de survenance des valeurs morales6. D’aucuns la restreignent à des propriétés naturelles ; d’autres y incluent des propriétés non-naturelles, pour peu qu’elles ne soient pas normatives ; d’autres encore y incluent des propriétés normatives, pour peu qu’elles ne soient pas morales ; d’autres enfin y incluent les principes moraux eux-mêmes. Que recouvre exactement la base de survenance des propriétés morales ?
La survenance est une thèse modale (« nécessairement... »). Mais quelle modalité entre-t-elle ici en jeu ? La nécessité qui sous-tend la survenance morale est-elle métaphysique, conceptuelle, normative...?