Abstract
Van Rensselaer Potter (1911-2001), le biologiste à l’origine du terme « bioéthique » dans les écrits nord-américains, considère que « real bioethics falls in the context of the ideals of […] Aldo Leopold », un forestier, philosophe et poète ayant marqué le XXe siècle. Associer Leopold à Potter a pour effet de placer la bioéthique dans la famille des éthiques de l’environnement, ce qui la différencie du sens conventionnel retenu en médecine et en recherche depuis le Rapport Belmont (1979), une déclaration ayant propulsé l’institutionnalisation de la bioéthique en Amérique du Nord. Cependant, diviser la bioéthique entre le médical et l’environnemental est réducteur. Potter propose au contraire une bioéthique globale s’intéressant aux enjeux situés à leur interface, dont ceux concernant la terre, la vie sauvage, la surpopulation, la consommation, etc. Cet article vise à amorcer un nouveau chantier d’analyse de la pensée de Potter en s’appuyant sur l’héritage de Leopold en biologie. Une synthèse de cette vision potterienne est proposée de manière à considérer son œuvre comme un tout cohérent s’intégrant aux grands débats qui transcendent les XXe et XXIe siècles. Sa vision apparaît comme une sagesse collective et prospective sous la forme d’une science de la survie et d’un code de bioéthique. Dépassant l’éthique de l’environnement, son association avec Leopold offre un modèle de la complexité s’imposant comme cas indissociable du contexte qui l’englobe, en améliorant nos façons d’intervenir en pratique dans un monde en constante transformation, à titre de gouvernance adaptative et de sagesse de la responsabilité.