L'Encyclopédie Philosophique (
2020)
Copy
BIBTEX
Abstract
Quand nous lisons un livre passionnant, quand nous passons une bonne soirée avec des amis ou quand nous dégustons des mets raffinés, nous nous trouvons parfois dans un état de plaisir. La notion de plaisir traverse de nombreux champs de recherche en philosophie. Une question centrale reste sans doute celle de sa nature : qu’est-ce donc que le plaisir ? Pour y répondre, une comparaison avec d'autres entités mentales plus familières se révèle fructueuse, et permet de mettre à jour ses spécificités propres. La définition du plaisir doit rendre compte de sa diversité, puisque le plaisir semble toujours se présenter sous des formes multiples : qu'y a-t-il de commun parmi toutes les instances de plaisir ? Par ailleurs, le plaisir semble souvent avoir un objet, ce qui soulève une série de questions : Quel type de chose peut être un objet du plaisir ? Dans quelle mesure l'objet du plaisir constitue-t-il le plaisir lui-même ? Plus généralement, quelle est la nature du lien entre le plaisir et son objet ? Ces questions seront abordées dans la Section 1.
Au-delà de ces questions définitionnelles, des questions plus spécifiques se posent concernant la manière dont on peut rendre compte du plaisir dans une optique naturaliste : dans quelle mesure le plaisir est-il une entité qui s’intègre dans une image unifiée du monde dans lequel on vit ? Puisqu'il est généralement entendu que la science manifeste cette ambition unificatrice, comment peut-on rendre compte du plaisir de manière scientifique ? La Section 2 est dédiée à ces questions.
Une des principales difficultés rencontrées est que le plaisir ne semble pas neutre. Il paraît plutôt avoir une valeur affective positive, dans un sens qui reste bien sûr à éclaircir. Cette valeur se manifeste d'abord dans le fait que le plaisir est susceptible d'orienter nos actions et réactions : nous sommes typiquement attirés par le plaisir, de la même manière que nous cherchons à éviter la souffrance. C'est l'aspect motivationnel du plaisir. La valeur affective du plaisir semble cependant aller au-delà de son rôle motivationnel, pour donner lieu à des caractéristiques normatives. Non seulement le plaisir motive certaines actions, mais il les justifierait aussi, en fournissant des raisons d'agir qui semblent valides. Plus encore, le plaisir semble bon pour nous, ou nous faire du bien. Il semble donc avoir une valeur prudentielle, en ce qu'il contribuerait à rendre notre vie meilleure. Cela pourrait alors justifier son intégration dans le domaine de la morale. Ces considérations seront l’objet de la Section 3.