Abstract
Cet article analyse le risque de corruption que les arrêts Citizens United de 2010 et l’apparition des Super-PACs font peser sur le système électoral états-unien. Lors de la dernière campagne présidentielle, plus de 730 millions de dollars ont été investis dans des publicités électorales par de riches contributeurs et des entreprises privées regroupés en Super-PACs. Nous montrons que cet afflux d’argent consacré à des publicités politiques expose la démocratie américaine à trois formes de « corruption grise », en favorisant la banalisation de pratiques contestables et en troublant la frontière entre ce qui est licite et ce qui ne l’est pas. (1) Déplafonné, le soutien financier aux candidats risque de s’apparenter à de la subornation; (2) certaines des techniques publicitaires employées semblent réduire l’exercice de conviction démocratique à une tentative de corruption de l’électeur; (3) enfin les immenses inégalités d’influence politique que ce système de financement induit participent de la corruption des affaires démocratiques en favorisant leur captation par un petit nombre d’individus fortunés. Nous mettons en évidence que le refus systématique de la Cour Suprême d’envisager ces phénomènes comme des vecteurs de corruption se fonde sur une conception discutable de la démocratie comme système de libre concurrence pour le pouvoir politique. Comprendre la démocratie à partir de son impératif d’égalité permet à l’inverse de rendre visible la corruption à laquelle son système de financement électoral expose la démocratie américaine.