Dissertation, University of Mons (
2024)
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Abstract
Le présent travail s'inscrit à l'intersection de deux problèmes épistémologiques majeurs. D'une part, le problème de la démarcation scientifique, qui consiste à identifier ce qui distingue intrinsèquement un système (un énoncé, une théorie, ...) scientifique d'un système non scientifique ou pseudo-scientifique. D'autre part, le problème de l'unité épistémologique des sciences, qui consiste à se demander si toutes les disciplines à vocation scientifique peuvent être vues comme des instanciations d'une notion unique de la scientificité.
Ces deux problèmes ont soulevé de nombreux débats ayant mis en évidence un ensemble important de difficultés. Le terme « scientifique » désigne en effet des méthodes empiriques, des constructions théoriques et des pratiques de recherche si hétérogènes qu’il semble voué à l’échec d’en chercher une définition aisée à circonscrire. De plus, les objets des disciplines scientifiques sont eux-mêmes de natures très diverses, ce qui semble rendre pareillement caduque toute recherche d’un concept unique de science qui pourrait s’appliquer indépendamment de la discipline en question. Dans cette thèse, je me propose de prendre à contre-pied cet état de fait en soutenant la possibilité et la pertinence d'un modèle unitaire de la scientificité, tout en me restreignant à une approche épistémologique comparée entre les sciences physiques et les sciences sociales.
Pour défendre mon propos, j’ai mobilisé deux types de réponses pouvant être opposées au constat présenté plus haut. D’une part, des réponses de principe, où j’examine et m’oppose à des arguments théoriques soutenant l’impossibilité ou en tout cas la difficulté de définir la scientificité en général, et la nécessité pour les sciences sociales de jouir d’une définition à part. D’autre part, je mobilise également des réponses par l’exemple. J’étudie alors plus en détail l’approche dite « analytique » en sociologie. Ce courant a cela d’intéressant pour mon propos qu’il ne semble pas nécessiter d’épistémologie alternative à celle ayant cours, par exemple, en physique ou en biologie, tout en prétendant bien produire des connaissances sur le monde social. Il s’agit donc d’un contre-exemple concret et manifeste de la thèse soutenant que la sociologie ne peut pas jouir du même type d’épistémologie que les autres disciplines.
Plus concrètement, j’élabore un (méta-)modèle unitaire de la scientificité en me concentrant sur une unité d’analyse bien circonscrite : les modèles. Je distingue chez ses derniers, classiquement, deux composantes principales : une composante empirique, qui a pour vocation à identifier des régularités dans le réel auquel on a accès à travers des données, et une composante théorique, à visée explicative et classificatoire. Je propose alors de construire formellement un degré de scientificité global dans lequel se combinent la maximisation d’une certaine quantité d’information définie sur la composante empirique et un critère d’invariance structurelle défini sur la composante théorique.
Ces diverses constructions, bien que formelles, permettent d’éclairer efficacement les questions épistémologiques que je me suis données au départ de mon travail, ce dernier ayant vocation à constituer une étape supplémentaire vers un modèle unitaire de la scientificité.