Abstract
Alors que le débat sur le caractère scientifique ou pseudo-scientifique de l’agriculture biodynamique occupe régulièrement le débat public, l’histoire et la philosophie des sciences ne semblent que très peu s’être emparées de ce sujet. La thèse défendue ici est double : tout d’abord, si l’agriculture biodynamique rencontre un relatif succès aujourd’hui, cela tient sans doute au fait que son théoricien, R. Steiner, a été un des premiers à critiquer le paradigme qui domine l’agronomie, ou en tout cas l’agriculture, depuis plus d’un siècle. Cette critique semble d’ailleurs se maintenir dans ses motifs tout au long du XXe siècle, jusqu’à une certaine critique contemporaine de l’agro-industrie et de ses conséquences désastreuses sur l’environnement. Or, et c’est la seconde thèse défendue ici, cette critique semble méconnaître voire occulter la réalité des débats internes qui ont traversé l’agronomie au cours du XXe siècle et qui continuent de l’agiter aujourd’hui : l’agronomie système a ainsi par exemple intégré dans ses objets des éléments de l’agriculture biodynamique. Selon nous, le problème principal est que l’agronomie est souvent abordée selon une approche externaliste, qui doit impérativement être complétée par une approche internaliste afin tout d’abord de distinguer ce qui relève de la science et ce qui relève du mysticisme, et ensuite de saisir toute la richesse historique et épistémologique de l’agronomie.