Abstract
En supposant que les manifestations antiracistes des 2 et 13 juin 2020 aient été l’occasion d’une prise de conscience du racisme structurel par les populations majoritaires, notamment en ce qui concerne les violences policières, cet article pose la question de son mécanisme. Le retentissement des manifestations de juin, sur les réseaux sociaux comme dans les « grands » médias, laisserait penser que c’est principalement en fournissant matière à une importante résonance médiatique qu’elles ont permis aux populations majoritaires de prendre conscience du racisme structurel. Mais cette impression est trompeuse : comme l’ont bien montré plusieurs travaux nord-américains sur le sujet, les milieux sociaux fréquentés par les populations majoritaires ne leur permettent pas de remettre en question les habitus qui président aux pratiques responsables du racisme structurel, dans un processus de socialisation que ni la presse, ni la radio, ni la télévision ne sont à même de contrecarrer. Du point de vue de la lutte contre le racisme, il semble plutôt que l’enjeu des manifestations de juin tienne moins à leur résonance médiatique qu’au rôle socialisateur qu’elles ont joué pour les membres des populations majoritaires qui y ont participé : ces manifestations leur ont enfin permis de fréquenter, par deux fois, un milieu susceptible de les pousser à corriger certaines des dispositions qui président aux pratiques responsables du racisme structurel – les multiples charges policières et jets de gaz lacrymogènes ont notamment été l’occasion d’une expérience de terrain riche d’enseignements pour des populations largement disposées à ne voir en la violence policière qu’une violence méritée et/ou anecdotique.
Mots-clés : Racisme structurel ; mobilisations antiracistes ; populations majoritaires ; résonance médiatique ; habitus ; resocialisation émancipatrice