Abstract
Qu’est-ce que l’indignation ? Cette émotion est souvent conçue comme une émotion morale qu’une tierce-partie éprouve vis-à-vis des injustices qu’un agent inflige à un patient. L’indignation aurait ainsi trait aux injustices et serait éprouvée par des individus qui n’en seraient eux-mêmes pas victimes. Cette émotion motiverait la tierce-partie indignée à tenter de réguler l’injustice en l’annulant et en punissant son auteur. Cet article entreprend de montrer que cette conception de l’indignation n’est que partielle. En effet, l’indignation ne porte pas que sur les injustices, mais plus généralement sur les torts injustifiés. Ce faisant, l’indignation peut être une émotion morale, mais aussi une émotion conventionnelle ou esthétique. De plus, elle peut être éprouvée par les individus victime des torts : elle n’est pas uniquement éprouvée par des tierces-parties. De la sorte, les individus indignés qui subissent les torts peuvent eux-mêmes chercher à les annuler et à punir leurs auteurs. Puisqu’elle peut être éprouvée tant par des spectateurs que par les personnes qui subissent les torts et qu’elle incline ceux qui l’éprouvent à faire appel à d’autres personnes pour réguler ces torts, l’indignation vécue individuellement est partageable : elle peut devenir une émotion collective jouant un rôle fondamental dans la régulation sociale en contribuant au renforcement de normes sociales existantes ou à l’émergence de nouvelles normes sociales associées aux idées du juste prévalant dans la société considérée.