Abstract
Plaçant au centre de ses recherches la vie affective humaine, Théodule Ribot (1839-1916), qui
participe au développement de la psychologie scientifique en France, est l’un des premiers à penser
les rapports entre mémoire et émotions. Au sein de ce qu’il appelle la « mémoire affective », Ribot
pense qu’il existe une mémoire spécifique des émotions. A l’intérieur de la communauté des
psychologues scientifiques sa proposition a pour effet d’initier un débat à propos de l’existence, de
la définition et du contenu de cette mémoire. Le présent article vise à proposer une synthèse et une
analyse critique du développement théorique de la notion de « mémoire affective » au début du 20 e
siècle. Après avoir détaillé les propositions initiales de Ribot, nous mettons en évidence
l’émergence progressive d’un consensus : même si d’un point de vue théorique il est possible de
distinguer la mémoire affective de la mémoire intellectuelle, tout souvenir présente des éléments
intellectuels et des éléments affectifs à des degrés variables, allant de l’évocation abstraite du passé
grâce aux concepts langagiers, à la reviviscence de l’émotion passée. Si dans le cadre académique
ces débats sont tombés dans l’oubli, nous montrons brièvement à la fin de cet article qu’il est
toutefois possible d’établir une continuité conceptuelle avec la recherche actuelle en sciences
cognitives et en neurosciences, qui gagneraient à relire cette littérature centenaire.