Abstract
Habituellement considéré comme un phénomène des années 1970, le débat entre Jürgen Habermas et Niklas Luhmann s’est en réalité poursuivi jusqu’à la mort de Luhmann, en 1998 ; et l’évolution des positions des deux théoriciens au cours des années 1980 et 1990 s’est caractérisée par une convergence, plutôt que par une divergence. Dans le domaine de la théorie du droit, suggère cet article, la convergence a progressé dans la mesure où la théorie de la discussion (Diskursetheorie) d’Habermas peut se caractériser comme une superstructure normative au regard de la théorie descriptive de la société formulée par Luhmann. De plus, le résultat du débat a été une absorption presque complète de la théorie habermassienne par le complexe de la théorie des systèmes de Luhmann – issue facilitée par le fait que ce dernier a délibérément traduit les concepts habermassiens centraux dans les concepts de la théorie des systèmes. Le débat et la conversion d’Habermas ont été possibles parce que le travail de celui-ci mais aussi celui de Luhmann peuvent être considérés comme un fruit de la tradition idéaliste allemande. Luhmann n’a pas vu que cette manœuvre permettait la réalisation des objectifs normatifs d’Habermas ; pas plus qu’il n’a perçu qu’il pouvait éradiquer une faille centrale de la construction de la théorie des systèmes en permettant de cartographier le contexte dans lequel les distinctions sont tracées – problème d’importance cruciale pour saisir les relations entre les différents systèmes sociaux et les coordonner via le déploiement d’instruments juridiques.